Certains spécialistes considèrent que la révolution numérique peut être qualifiée de troisième révolution industrielle. Elle est aujourd’hui au centre de toutes les interrogations. « Forbes » le célèbre magazine économique Outre-Atlantique, souvent cité dans l’Hexagone pour son classement des milliardaires, a consacré son numéro d’avril 2020 à la transformation numérique. Son auteure conclut à la nécessité d’anticiper la disparition des métiers qui résultera inéluctablement de la transformation numérique. On estime ainsi que pas moins de 10% des métiers actuels sont amenés à disparaître, que 50 % d’entre eux sont susceptibles d’être transformés dans un horizon très proche et que 85% des emplois de 2030 n’existent pas aujourd’hui. Ceci vaut d’ailleurs quel que soit le secteur d’activité. A l’heure où de nombreuses directions RH évaluent l’impact des pratiques numériques induites par la crise sanitaire et l’intérêt de leur pérennisation post-covid-19, n’est-il pas l’occasion d’envisager parallèlement la mutation des métiers ?
Disparition des métiers : rupture ou continuité ?
Les mutations technologiques et économiques ont de tous temps influé sur la disparition des métiers. Que l’on pense au métier de télégraphiste, à celui de poinçonneur ou encore aux porteurs d’eau, chacun a disparu en raison d’une innovation technique, en l’espèce, et respectivement, le téléphone, le composteur automatique ou l’eau courante. C’est donc le sens de l’évolution que de voir disparaître certaines professions, le plus souvent à forte pénibilité. L’automatisation des chaînes de montage des usines, incarnée par Charlie Chaplin dans les Temps modernes, en est encore une illustration flagrante à l’heure où les chatbots se généralisent, y compris dans la fonction RH pour faciliter le recrutement et l’onboarding des talents.
Schumpeter ou la « destruction créatrice »
La « destruction créatrice » est un concept de la théorie économique, inventé par l’économiste Schumpeter. Celui-ci rend compte, dans le contexte d’innovations majeures, de l’existence de cycles alternant des phases de croissance, dans lesquelles la création d’activités est supérieure aux destructions, avec des phases de récession, où les destructions sont plus importantes que les créations. L’enseignement qu’il faut tirer de cette théorie tient à l’attention qu’il faut porter à l’évolution des compétences en présence d’innovations importantes, susceptibles d’ouvrir un nouveau cycle de changements. En somme, pour que la destruction soit véritablement créatrice, il faut atténuer la phase de récession en adaptant les métiers aux innovations.
L’adaptation aux changements : une obligation légale à la charge des ressources humaines
La gouvernance des métiers est de l’essence même des fonctions des directions des ressources humaines. Cette responsabilité est encore plus accrue en contemplation des mutations en cours et de celles qui se profilent. Elle a aussi une assise légale, avec l’instauration, à l’art. L. 6321-1 du code du travail, d’obligations à la charge de l’employeur en la matière. Il résulte en effet de cette disposition, qui remplace l’ancien plan de formation, que l’employeur est tenu, d’une part, d’adapter le poste de travail et, d’autre part, de maintenir dans l’emploi les salariés. Ces obligations se doublent de la faculté pour l’employeur de participer au développement de la formation.
Par ailleurs, le concept de gestion prévisionnelle des emplois et des (GPEC), étroitement lié à la gestion des ressources humaines, intéresse particulièrement la question de la transition numérique. Il permet, en effet, de mettre en place un dispositif destiné à anticiper et à adapter les emplois et la formation en contemplation des orientations stratégiques de l’entreprise ou des évolutions qu’elle subies. Par conséquent, la GPEC est un instrument central dont doivent se saisir les RH pour préparer la transition numérique. A cet égard, l’Etat (Circ. DGEFP n° 2011/12) ou des organismes comme l’ANACT proposent des outils pour mettre en œuvre la GPEC. Pour les entreprises qui souhaitent accélérer sur le sujet, il existe aussi des logiciels GPEC préconfigurés comme celui d’alcuin.
Former aux métiers de demain : le défi des ressources humaines
Nains juchés sur les épaules de géants, il faut souvent emprunter à la sagesse du passé pour envisager notre futur. Ainsi, gardons à l’esprit cette formule d’Emile de Girardin qui se prête parfaitement à notre sujet : « Gouverner, c’est prévoir ; et ne rien prévoir, c’est courir à sa perte ». Si l’expression est séduisante d’un point vue intellectuelle et littéraire, sa mise en œuvre est périlleuse, car quelque peu divinatoire. Toutefois, est-il besoin d’être voyant pour constater qu’automatisation et robotisation prennent de plus en plus d’ampleur dans nos sociétés ? Intelligence artificielle, Big Data, stockage et protection des données, Cloud computing sont autant d’innovations majeures qui nécessitent des compétences particulières nouvelles. Certaines sont en pleine expansion, à l’instar des Data scientists, trafic managers, et autres experts en cybersécurité. Il reste à l’entreprise d’en inventer d’autres par anticipation, d’adapter celles déjà existantes ou bien se résigner à disparaître.