Pendant longtemps, moderniser un système d’information signifiait tout réécrire ou tout remplacer. Résultat, on a vu se multiplier des projets à plusieurs millions, avec des années de travaux et des utilisateurs « pris en otage » de la transformation. Aujourd’hui, beaucoup de DSI empruntent un autre chemin, celui de moderniser leurs solutions obsolètes par touches successives, sans casser ce qui fonctionne encore. Et ça, c’est vachement mieux !
Moderniser sans reconstruire : une approche pragmatique adoptée par de nombreuses DSI
Vous connaissez forcément la scène, un ERP vieillissant, un SIRH d’une autre époque, un outil de gestion documentaire qui n’a pas bougé depuis dix ans… mais qui reste profondément ancré dans les processus métier. Et l’idée de tout remplacer d’un bloc qui fait frémir tout le monde dans l’entreprise.
Alors plutôt que de lancer un « big bang » risqué, de plus en plus de DSI choisissent une modernisation par extensions, avec un socle historique qui reste en place, sur lequel on vient greffer des briques digitales plus modernes : applications web ou mobiles, portails dédiés, services d’API, outils d’automatisation.
Cette modernisation des solutions obsolètes permet de répondre rapidement à de nouveaux besoins sans remettre en cause l’intégralité de l’architecture. On garde ce qui est robuste, on encapsule ce qui est trop rigide, on contourne progressivement les limites les plus pénalisantes.
Certes, c’est une stratégie moins spectaculaire sur les slides, mais nettement plus acceptable pour les équipes qui doivent continuer à produire pendant le chantier !
L’agilité au service de la transformation continue
Ce changement de posture va de pair avec une autre évolution avec une transformation qui n’est plus un projet ponctuel, mais un pur mode de fonctionnement. Les DSI qui s’en sortent le mieux travaillent d’ailleurs par itérations courtes, avec des cycles de quelques semaines, des MVP clairs et surtout des retours utilisateurs organisés dès le début.
Plutôt que d’attendre la version finale, elles posent dès le départ THE question « quel est le plus petit incrément qui crée de la valeur métier, aujourd’hui, avec un risque maîtrisé ? ». Cela peut être un écran simplifié, un formulaire en ligne au lieu d’un fichier Excel, un premier tableau de bord connecté ou un espace collaboratif.
Evidemment l’agilité, ici, ce n’est pas seulement Jira et les post-its. C’est la capacité à accepter que la cible va s’affiner chemin faisant. C’est avancer par pas contrôlés, mesurer l’usage, ajuster… Bref, les métiers ne sont plus spectateurs d’une refonte qu’ils subissent, mais co-acteurs d’une transformation continue.
Exemples concrets dans les RH : digitalisation rapide et ciblée
Les Ressources humaines sont un terrain de jeu idéal pour cette approche.
Beaucoup d’organisations disposent déjà d’un SIRH solide mais peu ergonomique, difficile à faire évoluer, parfois limité côté self-service. Pourtant les attentes des collaborateurs ont explosé (demandes en ligne, accès mobile, suivi en temps réel).
Plutôt que de changer de SIRH, certaines DSI et DRH optent pour des ajouts ciblés :
- Ajout d’une application mobile de gestion des congés ou des notes de frais, connectée en temps réel au SIRH existant : côté utilisateur, l’expérience est moderne et simple. Côté back-office, les règles de gestion et les référentiels restent les mêmes.
- Déploiement rapide d’un chatbot RH pour répondre aux questions récurrentes (congés, RTT, mutuelle, procédures internes, etc.). Le bot se nourrit de la base documentaire existante et décharge les équipes RH des demandes à faible valeur ajoutée.
- Mise en place d’un portail employé/manager qui unifie plusieurs démarches (entretiens, validations et demandes diverses) sans toucher au cœur du SIRH.
Dans chaque cas, la promesse est la même : améliorer fortement l’expérience utilisateur, sans engager immédiatement un chantier de remplacement du back-office. Et si bien sûr, à terme, le SIRH doit évoluer, ces briques pourront soit être réutilisées, soit servir de preuves concrètes pour cadrer le futur projet.
Les bénéfices : continuité, adoption et retour sur investissement rapide
Alors le premier bénéfice, évident mais souvent sous-estimé, c’est la continuité d’activité. On ne demande pas à toute l’organisation de tenir pendant deux ans en attendant le nouveau système. Les opérations continuent, les utilisateurs gardent leurs repères et les irritants sont traités par priorité.
Deuxième effet positif : l’adoption. Quand vous livrez une brique ciblée, pensée avec les métiers, qui répond à un irritant quotidien clairement identifié, l’usage suit naturellement. Pas besoin de déployer une armée de formateurs pour convaincre. La valeur est visible, concrète, rapidement mesurable : moins de ressaisies, moins de mails, moins d’erreurs, moins d’allers-retours.
Troisième bénéfice : le retour sur investissement. Plutôt qu’un gros CAPEX étalé sur plusieurs années, vous enchaînez de petits investissements mieux corrélés à des gains mesurables. Cela parle à la DAF, mais aussi aux directions métiers.
Enfin, cette approche réduit le risque politique. Eh oui, si un MVP ne tient pas toutes ses promesses, vous avez perdu quelques semaines, et pas un programme stratégique entier. Vous corrigez, vous réorientez, vous retirez ou vous remplacez. La transformation continue, au lieu de se figer dans un énième « plan à trois ans » qui ne survit jamais au premier changement de priorité.
Des technologies facilitatrices : API, no-code, micro-apps…
Cette façon de faire serait nettement plus compliquée sans les technologies aujourd’hui disponibles. Les API et les connecteurs standard permettent notamment de dialoguer avec des systèmes vieillissants sans forcément les ouvrir de partout. Vous pouvez exposer ce qui est nécessaire (données de base, référentiels, événements clés), et encapsuler le reste.
Les plateformes no-code et low-code offrent ici un terrain d’expérimentation et de construction rapide pour ces « extensions modernes ».
Un formulaire de demande, une mini-application de suivi, un workflow d’approbation peuvent être créés en vraiment quelques jours, connectés à un système existant et testés en conditions réelles avec un groupe pilote. Les micro-apps et les PWA (Progressive Web Apps) apportent, elles, un compromis intéressant avec une expérience quasi-native sur mobile ou desktop, sans passer par le cycle complet d’une application lourde. Pour des processus bien ciblés (validation, consultation, saisie rapide), c’est très souvent laaargement suffisant. Enfin, les outils d’intégration et d’automatisation (iPaaS, ETL modernes, bus d’événements) permettent d’orchestrer ces briques autour du SI existant, sans multiplier les scripts maison et les traitements obscurs. La modernisation ne repose plus uniquement sur du dev from scratch, mais sur l’assemblage malin de composants.
Une nouvelle posture pour les DSI : de l’urbanisation rigide à l’évolution continue
Derrière ces choix techniques se cache avant tout un changement de posture. La DSI n’est plus seulement gardienne d’un plan d’urbanisation figé, mais animatrice d’un patrimoine applicatif vivant. Son rôle n’est pas de saboter la créativité des métiers, ni de laisser chacun bricoler dans son coin, mais de proposer un cadre où l’innovation locale est possible sans mettre en danger l’ensemble.
Concrètement, cela signifie :
- définir des standards d’intégration (API, sécurité, qualité des données) ;
- choisir quelques plates-formes communes (no-code, portail, analytics) plutôt que de laisser proliférer les outils ;
- clarifier qui peut faire quoi, avec quel niveau d’autonomie et quel accompagnement de la DSI ;
- organiser un dialogue continu avec les métiers, pour prioriser les irritants et choisir les bons incréments à livrer.
On passe ainsi d’une logique d’urbanisation rigide, avec ses plans massifs révisés tous les cinq ans, à une évolution continue du SI, structurée mais adaptable. Les grands projets n’ont pas disparu, mais ils s’inscrivent dans un mouvement plus large, où chaque brique livrée vient renforcer un tout cohérent.







